La résurgence de la peste à Madagascar : une maladie centenaire à l'épreuve de l'histoire et de l'écologie

II peut apparaître contradictoire de parler de la peste dans un numéro consacré aux maladies émergentes. Si cette maladie incarne le mal absolu (son nom tiré du latin pestis, ne veut-il pas dire fléau ?) depuis que la première pandémie, la peste de Justinien a frappé le bassin méditerranéen (et cette place dans l'imaginaire collectif ne lui a jamais été ravie si ce n'est peut-être actuellement par le SIDA), elle est aussi tenue pour appartenir au passé. Son nom est associé à des temps qui ont précédé la prise de conscience du rôle de l'hygiène, la mise au point du vaccin, puis des antibiotiques, et pourtant cette maladie est en train de réapparaître. On voit le nombre de ses cas s'accroître progressivement là où elle n'avait jamais disparu, on la voit reconquérir certains espaces perdus, apparaître là où on ne se souvenait pas l'avoir jamais vue et parfois même on assiste à des bouffées épidémiques qui pendant un temps réduit vont faire la une des journaux. Il s'agit donc bien d'une maladie en pleine ré-émergence, ré-émergence d'autant plus difficile à circonscrire que les

nants du retour de la peste s'inscrivent dans une dynamique globale de dégradation des conditions de vie des sociétés (Brygoo E.R., 1972) malgré l'existence de moyens prophylactiques et curatifs efficaces. Des travaux pluridisciplinaires associant chercheurs et acteurs de santé publique à Madagascar 1 ont permis de mieux comprendre les mécanismes qui permettent le maintien et la circulation de cette maladie dans les espaces tant urbains que ruraux (Chanteau S. et al, 1998a). Si de nombreuses questions restent posées, il n'en est pas moins vrai que les résultats actuels permettent d'échafauder un raisonnement global sur le fonctionnement des espaces dans un contexte en pleine mutation politique et économique et leur rôle dans l'hétérogénéité spatiale et temporelle de la circulation de la peste.