Théorie de l'utilité et mesure des états de santé : le débat QALYs - HYEs

Économie et Prévision

n°129-130 1997-3/4

Une bataille sévère, dans le champ de la théorie de l'évaluation économique, a opposé récemment les partisans des QALYs (" Quality Adjusted Life Years " à ceux des HYEs (" Healthy Years Equivalents ").

La notion de QALYs, qui trouve son origine dans les travaux de Weinstein aux États-Unis, de Williams en Grande-Bretagne et de Torrance au Canada, est très simple : elle consiste à traiter la qualité de vie comme une variable unique définie sur un continuum allant de 0 (l'état "mort"(1)) à 1 (l'état de bonne santé). On assigne à chaque année de vie humaine le coefficient qui correspond à sa qualité et on évalue un état de santé par la somme des années de vie ajustées par ces coefficients.

Le côté intuitif de cette notion, sa capacité à combiner durée et qualité de vie, sa simplicité d'emploi expliquent certainement son succès, au delà même du milieu des économistes. Elle s'est imposée comme l'une des mesures d'état de santé les plus fréquemment utilisées dans les études empiriques.

À l'origine, il s'agissait d'un concept purement empirique, qui s'apparentait à un indicateur de santé à la fois unidimensionnel et générique. Il synthétisait sous un chiffre unique les dimensions multiples de la qualité de vie (mobilité, douleur, capacités cognitives, capacités affectives, relations sociales, etc.) et il était susceptible de s'appliquer à tous les contextes médicaux. Par contraste, la plupart des échelles médicales de mesure d'états de santé sont multidimensionnelles et spécifiques à une pathologie.

Pour le calcul économique, la notion de QALY constituait ainsi la contrepartie naturelle du coût qui est également un indicateur unidimensionnel et générique des ressources consommées dans un processus thérapeutique. Elle s'intégrait donc bien au calcul par simple substitution des années de vie "ajustées" aux années de vie "brutes" au dénominateur du ratio coût-efficacité.

Les choses ont changé quand la notion de QALYs a fait sa jonction avec la théorie de l'utilité, c'est-à-dire la représentation chiffrée des préférences d'un agent économique définies sur une classe d'objets, en l'occurrence des états de santé.

Sous certaines conditions très précises, la théorie de l'utilité montre qu'on peut attacher à chaque objet, un nombre tel que si l'objet A est préféré ou indifférent à l'objet B, alors le nombre attaché à A, soit u(A), est supérieur ou égal à celui attaché à B, soit u(B). Cette représentation numérique offre la possibilité d'effectuer des calculs numériques sur les préférences.

Le passage du statut de mesure directe à celui d'utilité, avait comme objectif de renforcer la cohérence théorique du calcul économique et d'échapper à l'empirisme qui avait présidé à 1' "invention" des QALYs.

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